Interview de Stéphanie Le Gras et Christophe Papin
Mutualisme entre une bioinformaticienne de plateforme et un (chercheur) biologiste
Cartes d’identité :
|
|
|
---|---|---|
|
|
Entretien
Quelle est la question scientifique vous ayant mené à collaborer ?
Comment et où les variants d’histone (ex : H3.3, H2A.Z) remplacent les histones canoniques au sein des nucléosomes, quel impact sur la structure de la chromatine et in fine sur l’expression des gènes ?
Quels sont vos domaines de recherche / d’expertise ?
Stéphanie a développé une expertise dans l’analyse des données issues d’expériences de ChIP-seq permettant la localisation génomique des marques d’histone sur l’ADN. Néanmoins, les projets sur lesquels elle intervient demandent l’analyse de différents autres types de données (RNA-seq, DIP-seq, DNAse-seq etc.) devenant ainsi un « couteau suisse », ce qui est assez propre au travail dans les plateformes de service. Christophe s’intéresse depuis son post-doctorat aux rôles des histones variants et de la méthylation de l’ADN dans la régulation transcriptionnelle qu’il étudie en intégrant des données de ChIP-seq, de DIP-seq, de whole-genome-bisulfite-sequencing et de RNA-seq générant des centaines d’expériences de séquençage. Il est expert de la chromatine et associe des données structurales, génétiques et génomiques pour identifier les déterminants génétiques et épigénétiques qui contrôlent le méthylome au cours de la différenciation cellulaire, mais aussi dans certaines situations pathologiques.
Quel type de travaux effectuez-vous dans le cadre de votre collaboration ?
Stéphanie analyse les données issues de séquençage, des données brutes (évaluation de la qualité, nettoyage, alignement sur génome de référence) jusqu’à la réalisation d’analyses avancées et ce, afin de répondre aux questions biologiques posées (e.g. quelles sont les répétitions du génome qui sont différentiellement exprimées entre différentes conditions expérimentales). Elle présente ensuite les résultats dans des formats appropriés et intelligibles par Christophe, par exemple sous forme de tables de comptages récapitulatives ou de graphiques. Leurs nombreuses discussions à chaque avancée ont notamment permis de faire évoluer la méthode d’analyse classique des expériences de séquençage durant laquelle les reads s’alignant à plusieurs endroits du génome, correspondant à des séquences répétées, sont généralement écartés alors qu’elles peuvent représenter jusqu’à 50% de leurs données. En fait, cette grande proportion de reads correspond à une réalité biologique. Par exemple, l’étude du méthylome des séquences d’ADN répétées a été longtemps ignorée au profit de régions supposées plus importantes fonctionnellement, alors que la moitié des évènements de méthylation de l’ADN ont lieu au sein des régions répétées. Ainsi Stéphanie à développer une expertise sur l’analyse de ce type de reads, et Christophe produit les données en conséquence de ses questions biologiques et apporte son expertise biologique dans l’interprétation des résultats intermédiaires et finaux.
Est-ce une collaboration ponctuelle ou de long terme ?
Leur collaboration a commencé il y a une dizaine d’années. Depuis son arrivée à l’IGBMC, Christophe a soumis à la plateforme presque 2000 échantillons. Sur la plateforme GenomEast, les projets d’une équipe sont majoritairement pris en charge par un.e même ingénieur.e en bioinformatique permettant le suivi des problématiques scientifiques et la proposition de stratégies adaptées pour y répondre. Ainsi, à partir d’une relation de service, une collaboration scientifique s’est établie entre Stéphanie et Christophe depuis 2015 où chacun se nourrit des compétences de l’autre au travers d’une grande communication, élément clé de leur réussite. En effet, cette collaboration fructueuse a donné lieu à la publication de quatre articles. Ils co-signent notamment en 2021 un article présentant une nouvelle méthodologie d’analyse bioinformatique des données de séquençage haut-débit, qui permet de caractériser les profils épigénétiques des promoteurs de façon non-biaisée, en tenant compte de leur densité en dinucléotides CpG. Cette méthode a permis de mettre en évidence une influence majeure des îlots CpG dans l’organisation chromatinienne des promoteurs.
Quelles expertises/compétences recherchez-vous auprès d’une collaboration avec un.e bioinformaticien.ne ?
Au-delà de compétences techniques, Christophe attend une implication dans le projet au même niveau de chacun des collaborateurs quant à la définition de la démarche et de la stratégie avec leur point de vue et compétences complémentaires. Une attente particulière sur l’appropriation de la problématique scientifique afin d’apporter et proposer des solutions adaptées et sur une bonne communication qui, dans leur cas, a permis le développement de stratégies d’analyses bioinformatiques novatrices qui ont permis de mieux décrypter comment le génome et l’épigénome interagissent dans le contrôle des programmes d'expression génique.
Leur message
Bien que la bioinformatique soit un outil dans le processus d’analyse de données de séquences, une collaboration fine et un apprentissage réciproque des problématiques est des plus profitables pour faire avancer les expertises des uns et des autres et aboutissent à des résultats scientifiques de plus en plus aboutis.