Interview Laetitia Bourgeade et Claudio Plaisant

Cross-talk entre l’ingénierie bioinformatique et biologique à l’hôpital

Cartes d’identité : 

Laetitia Bourgeade

 

Claudio Plaisant

  • statut : Ingénieure de Recherche hospitalier dans le service de génétique biologique du CHU de Bordeaux.
  • formation : Master Bioinformatique de Bordeaux, Thèse informatique spécialité bioinformatique et Post-doctorat dans le domaine de l'algorithme de texte
  • poste : Développement d’outils, gestion et traitement des données dans une optique de diagnostic et en suivant une démarche de qualité
 
  • statut: Ingénieur hospitalier en biologie médicale dans le service de génétique biologique du CHU de Bordeaux
  • formation : Licence professionnelle biotechnologie, puis poste de technicien hospitalier pendant 10 ans. VAE permettant d'intégrer et obtenir un master en biologie santé
  • poste : Développement de protocole expérimentaux, analyse de séquences et formation des techniciens. Mise en place et suivi de la démarche qualité

 

Entretien

Quelle est la question scientifique vous ayant mené à collaborer ?

Mise en place d'un protocole dédié à l'identito-vigilance des techniques de séquençage d’exome et de panel de gènes, allant de la génération à l'analyse des données dans le cadre du diagnostic de maladies génétiques.

Quels sont vos domaines de recherche / d’expertise ?

Durant sa thèse et son post-doctorat, Laetitia a développé une expertise en algorithmique du texte puis en traitement de données NGS pour la détection de points de cassures dans les génomes tumoraux à partir de données de séquençage de génome entier. Depuis sa prise de poste au CHU, elle s'intéresse particulièrement aux maladies rares génétiques et enrichit ses connaissances tant en biologie qu'en informatique en s'auto-formant dans le développement de base de données et d’interfaces web. L’objectif est de pouvoir délivrer aux biologistes des résultats reproductibles, clairs, argumentés et faciles d'accès. De son côté, Claudio a acquis une expertise technique dans l'utilisation, les paramétrages et les tests des séquenceurs ancienne et nouvelles générations. Cette expertise s'accompagne de la prise en main des logiciels propriétaires et de l'analyse des résultats. Leurs travaux sont soumis à une série de normes nécessaires à l'accréditation de leur laboratoire par le Comité français d’accréditation (Cofrac) des laboratoires de biologie médicale qui impose, par exemple, que les analyses soient effectuées par deux pipelines indépendants. Ces normes, tout à fait FAIR (Findable Accessible Interoperable Reusable), demandent un investissement majeur pour leur compréhension et application. D'ailleurs, Laetitia est devenue auditrice en bioinformatique pour le Cofrac.

Quel type de travaux effectuez-vous dans le cadre de votre collaboration ?

L'identito-vigilance consiste à s’assurer que les données de séquençage obtenues soient attribuées au bon patient et donc de confirmer que le bon diagnostic soit délivré au bon patient. Dans ce cadre, Laetitia met en place un pipeline d'analyse prenant en entrée les données brutes de séquençage multiplexées. Cette 1ère étape consiste à réattribuer à chaque patient grâce à un formulaire contenant l’association patient/index utilisée : i) les séquences des régions d’intérêt obtenues par exome ou panel ; ii) les 36 SNP (dont 2 marqueurs du sexe) du kit d’identito-vigilance. Ensuite, le pipeline procède aux traitements (analyse de qualité, alignement sur génome de référence, identification de variants), compare les résultats des deux sources de données et établit la correspondance entre l’échantillon analysé (exome ou panels de gènes) et l’identité du patient. Un rapport d’analyse formaté pour être conforme aux documents légaux du CHU et aux normes du Cofrac, comportant toutes les versions de logiciels, toutes les versions de kit, les résultats et leurs interprétations est délivré en sortie de pipeline. Les données de départ sont générées par l’équipe technique qui a fabriqué et séquencé les librairies, ce qui a demandé en amont une optimisation des protocoles expérimentaux, une veille technologique et des tests de mise en place par Claudio. Lors du développement de ce pipeline, Laetitia et Claudio ont été en collaboration étroite en amenant chacun leur expertise tant au niveau technique, bioinformatique que biologique afin de valider l'ensemble de ce processus. 

Est-ce une collaboration ponctuelle ou de long terme ?

Il s'agit en fait d'une collaboration de tous les jours avec des projets identifiés ponctuellement. Laetitia est seule bioinformaticienne dans le service et est entourée dans son bureau d’ingénieurs biologistes (dont Claudio), de biologistes-généticiens : la communication est constante et essentielle.

Quelles expertises/compétences recherchez-vous auprès d’une collaboration avec un·e bioinformaticien·ne ?

Au-delà de la compétence informatique (production de code, d'outils), la compréhension de la problématique biologique est un point essentiel dans le succès des projets. Claudio attend que sa question biologique soit traduite en question bioinformatique et que Laetitia lui traduise sa réponse bioinformatique en terme biologique. Il s'agit en fait d'un ping-pong demandant compréhension, réactivité, précision et organisation des deux collaborateurs.

Leur message

Dans le cas de poste de bioinformatique au sein d'équipes expérimentales, l'intérêt pour le sujet biologique est très important pour l'épanouissement des bioinformacien·ne·s et permet de fluidifier la communication et de faciliter la compréhension entre ces deux domaines qui parlent des langages différents. Comme dirait Claudio, il faut "trouver sa voie dans la biologie" !