Génomique comparative de l'évolution des chromosomes sexuels chez les palmiers

 Stage · Stage M2  · 5 mois    Bac+5 / Master   Institut de recherche pour le développement · Montpellier (France)

Mots-Clés

Chromosomes sexuels, dioécie, évolution, NGS, Palmiers.

Description

Proposition de stage de Master 2 Bioinformatique:

Génomique comparative de l'évolution des chromosomes sexuels chez les palmiers

Responsable de stage : Frédérique Aberlenc, Resp Equipe F2F Palms, UMR DIADE, Montpellier

Courriel : frederique.aberlenc@ird.fr Tél : 04 67 41 61 93

co-encadrement : Jos Käfer CNRS– UMR ISEM ; Perla Farhat, IRD DIADE

Site web de l'équipe : http://www.diade.ird.fr/en/teams/f2fteam.html

Contexte général du sujet :

Quasiment tous les eukaryotes se reproduisent sexuellement, mais pas toujours de la même façon. Chez les plantes à fleurs, il existe une grande diversité de systèmes de reproduction, dont en particulier une diversité de systèmes sexuels (Barrett, 2002 ; Renner, 2014). Les fleurs unisexuées ne sont présentes que chez 10 % des espèces, et sont portées soit par une même plante dans le cas de la monoécie, soit par des individus séparés (dioécie). Les espèces dioïques auraient évolué indépendamment 900 à 5 000 fois à partir d'ancêtres hermaphrodites, ce qui a conduit à plus de 15 000 espèces dioïques (Renner, 2014). Les chromosomes sexuels sont caractérisés par une région déterminant le sexe, non recombinante, pour laquelle un sexe est hétérogame et l'autre homogame (Ming et al., 2011). Cependant, les mécanismes impliqués dans l'évolution de l'expression du sexe, des régions déterminant le sexe et des chromosomes sexuels sont mal compris chez les plantes (Henry et al., 2018 ; Renner and Muller 2021), de même que les forces évolutives qui conduisent à l'émergence et à la persistance de la dioécie (Kafer et al., 2017).

La famille des Arecaceae ou Palmiers est particulièrement intéressante pour étudier l'évolution des chromosomes sexuels et la détermination du sexe puisque contrairement aux autres angiospermes qui portent majoritairement des fleurs hermaphrodites, elle présente une proportion importante d’espèces à fleurs unisexuées, monoïques ou dioïques. Ainsi, la séparation des sexes aurait évolué à de 8 à 10 reprises de façon indépendante au cours de l’évolution de la famille. Chez le palmier dattier (Phoenix dactylifera), espèce dioïque, un système de chromosomes sexuels de type XY a été établi avec une région non recombinante évaluée à 13 Mb soit 2% du génome (Al Dous et al., 2011 ; Cherif et al., 2013). La cartographie génétique du génome du palmier dattier a permis d’identifier les chromosomes sexuels (Mathew et al., 2014). L’analyse phylogénétique de séquences de gènes liées au sexe a montré que l’ensemble des espèces actuelles du genre Phoenix ont un ancêtre commun dioïque (Cherif et al., 2016 ; Torres et al., 2018).

Récemment, notre équipe a caractérisé les régions liées au sexe chez une nouvelle espèce de palmier dioïque, Kerriodoxa elegans (Tessarotto et al., soumis). Nous avons constaté une similitude frappante avec Phoenix dactylifera, où une majorité des gènes associés au système XY sont partagés entre les deux espèces et localisés sur le même chromosome. Cependant, la suppression de la recombinaison a évolué indépendamment après leur divergence. Nos résultats révèlent ainsi un cas unique de convergence évolutive des chromosomes sexuels au sein de la famille des palmiers, phénomène inédit chez les plantes (Tessarotto et al., soumis). Une hypothèse pour expliquer cette convergence est que cette région renferme de nombreux gènes impliqués dans le développement floral, suggérant qu’elle pourrait constituer une véritable « boîte à outils » génétique pour l'unisexualisation des fleurs chez les palmiers.

Cependant, malgré ces avancées, nos connaissances restent limitées concernant les mécanismes et les facteurs à l’origine de l’évolution de la dioécie et des chromosomes sexuels au sein de la famille des palmiers. Dans la sous-famille des Ceroxyloideae, où presque toutes les espèces sont dioïques, aucun système de chromosomes sexuels n’a encore été décrit. Ce groupe inclut plusieurs espèces d’importance économique pour les pays d’Amérique du Sud, en raison de l’exploitation multiple de leurs fruits et graines. C’est notamment le cas du palmier à ivoire, Phytelephas aequatorialis, qui commence à fleurir et à produire des fruits seulement 8 à 9 ans après la germination. La caractérisation des régions génomiques liées au sexe permettrait de développer des marqueurs génétiques pour la détermination précoce du sexe et l’identification des individus femelles, particulièrement prisés pour la production de fruits et graines. Cela pourrait significativement améliorer la rentabilité des palmeraies tout en renforçant les ressources alimentaires des populations locales.

Objectifs :

L’objectif de ce stage est d’identifier et de caractériser les chromosomes sexuels du palmier à ivoire, Phytelephas aequatorialis, en exploitant l'importante quantité de données NGS déjà générées. Les gènes et régions génomiques liés au sexe seront comparés à ceux décrits précédemment chez les palmiers Phoenix dactylifera et Kerriodoxa elegans. Nous chercherons à déterminer l’existence de mécanismes communs ou de particularités spécifiques dans l’évolution de la séparation des sexes au sein des différentes espèces de palmiers dioïques. Les connaissances acquises permettront de mieux comprendre les bases moléculaires du déterminisme du sexe dans ce groupe et de favoriser l’identification de marqueurs moléculaires utiles pour le sexage précoce du palmier à ivoire.

Déroulement du stage :

Le travail reposera sur l’exploitation des données NGS préalablement générées au sein de l’équipe pour des individus mâles et femelles de Phytelephas aequatorialis (capture de séquences). Les ressources génomiques disponibles pour Phoenix dactylifera et Kerriodoxa elegans de type transcriptomes, génomes de référence et cartographie génétique seront également utilisées.

Le stage se déroulera en deux parties :

1) Identification et caractérisation des régions génomiques et des gènes liés au sexe chez le palmier Phytelephas aequatorialis

Les régions et gènes liés au sexe seront recherchés à l’aide du logiciel SD-pop, une méthode probabiliste permettant d’inférer les polymorphismes liés au sexe à partir de données NGS d’individus mâles et femelles (Kafer et al., 2021). La reconstitution des haplotypes X et Y des gènes liés au sexe permettra d’étudier la divergence synonyme (dS) et les ratios de couverture seront estimés. Le système sexuel le plus probable, XY ou ZW, sera déterminé.

2) Comparaison des gènes liés au sexe chez les espèces dioïques de palmiers

Les gènes liés au sexe identifiés chez Phytelephas aequatorialis seront positionnés sur les chromosomes du palmier dattier, afin d’identifier les chromosomes sexuels de l’espèce. De plus, les gènes et les régions liées au sexe seront comparés avec les régions précédemment identifiées chez les espèces Phoenix dactylifera et Kerriodoxa elegans.

Les séquences alléliques des gènes liés au sexe de ces différentes espèces seront comparées par analyse phylogénétique. Les résultats seront interprétés en fonction de l'histoire évolutive de la dioécie dans chaque clade (ancêtre commun partagé ou convergence évolutive).

 

Méthodes, techniques, outils à utiliser :

- Identification de gènes liés au sexe via l’outils probabiliste SDpop, méthode basée sur les équilibres de type Hardy-Weinberg dans les populations (Kafer et al., 2021).

- Estimation de la divergence synonyme (dS) et datation de la divergence X-Y via des outils d’alignements multiples (MAFFT) et d’analyses phylogénétiques (PAML ; BEAST).

- Analyses statistiques avec le logiciel R ; gestion de fichiers et exécution de logiciels en ligne de commande (bash/unix).

L’étudiant(e) bénéficiera des facilités de calcul haute performance (HPC) du plateau i-Trop (plateforme SouthGreen) de l'IRD de Montpellier.

Des connaissances de base en bioinformatique et en bioanalyse de données génomiques est un prérequis souhaité.

Mots-clés

Chromosomes sexuels, dioécie, évolution, NGS, Palmiers.

Référence(s) (publication(s) de l'équipe d'accueil illustrant le contexte général du sujet) :

Käfer J, Lartillot N, Marais GAB, Picard F. 2021. Detecting sex-linked genes using genotyped individuals sampled in natural populations. Genetics. 24; 218(2).

Käfer J, Marais GAB, Pannell JR. 2017.On the rarity of dioecy in flowering plants. Mol Ecol. 26(5):1225-1241.

Tessarotto H., Beulé T., Cherif E., Orjuela J., Santoni S., Käfer J., Aberlenc F. Convergent evolution of sex chromosomes in palms, https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2024.06.27.600560v1

Cherif E, Zehdi S, Castillo K, Chabrillange N, Abdoulkader S, Pintaud J-C, Santoni S, Salhi-Hannachi A, Glémin S, Aberlenc-Bertossi F. 2013. Male specific DNA markers provide genetic evidence of an XY chromosome system, a recombination arrest and allow the tracing of paternal lineages in date palm. New Phytologist. 197(2):409-15

Cherif E., Zehdi-Azouzi S., Crabos A., Castillo K., Chabrillange N., Pintaud J.-C., Salhi-Hannachi A., Glémin S. and Aberlenc-Bertossi F. 2016. Evolution of sex chromosomes prior to speciation in the dioecious Phoenix species. J Evol Biol. 29(8):1513-22.

Bibliographie (autre(s) publication(s) relative(s) au sujet proposé) :

Al-Dous EK, George B, Al-Mahmoud ME, Al-Jaber MY, Wang H, Salameh YM, Al-Azwani EK, Chaluvadi S, Pontaroli AC, DeBarry J et al. 2011. De novo genome sequencing and comparative genomics of date palm (Phoenix dactylifera). Nature Biotechnology 29: 521–527.

Mathew LS, Spannag lM, Al-Malki A, George B, Torres MF, Al-Dous EK, Al-Azwani EK, Hussein E, Mathew S, Mayer KFX, Mohamoud YA, Suhre K & Malek JA. 2014. A first genetic map of date palm (Phoenix dactylifera) reveals long-range genome structure conservation in the palms. BMC Genomics. 15: 285.

Ming R et al. 2011. Sex chromosomes in land plants. Annu Rev Plant Biol. 62:485-514.

Renner SS. 2014. The relative and absolute frequencies of angiosperm sexual systems: dioecy, monoecy, gynodioecy, and an updated online database. Am J Bot. 101(10):1588-96.

Renner SS, Müller NA. 2021. Plant sex chromosomes defy evolutionary models of expanding recombination suppression and genetic degeneration. Nature Plants. 7(4):392-402.

Torres MF, Mathew LS, Ahmed I, Al-Azwani IK, Krueger R, Rivera-Nuñez D, Mohamoud YA, Clark AG, Suhre K, Malek JA. 2018. Genus-wide sequencing supports a two-locus model for sex-determination in Phoenix. Nature Commun. 9(1):3969.

Candidature

Procédure : CV et Lettre de Motivation

Date limite : None

Contacts

Fréderique Aberlenc

 frNOSPAMederique.aberlenc@ird.fr

Offre publiée le 21 octobre 2024, affichage jusqu'au 17 décembre 2024